Acide valproïque/valproate paternel et troubles du neurodéveloppement chez les enfants : qu’en pense le CRAT ?
Les informations présentées ci-dessous sont valables de façon identique pour l’acide valproïque ou valproate de sodium, le divalproate de sodium et le valpromide.
Une alerte émise par l’ ANSM en 2023 évoque «un risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père a été traité par valproate dans les mois précédant la conception» sur la base d’une étude non publiée à ce jour, réalisée dans 3 pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède) à la demande de l’agence européenne des médicaments (EMA). De nombreuses faiblesses ayant été relevées par l’EMA dans cette étude (nature imprécise des troubles neurodéveloppementaux des enfants et des épilepsies paternelles et erreurs dans la base de données norvégienne), des compléments d’information étaient en attente.
Après correction des erreurs, actualisation des résultats (fondés sur un peu plus de 2000 enfants dont le père avait été traité par valproate en monothérapie avant la conception versus 3600 enfants dont le père avait été traité par lamotrigine ou lévétiracetam) et réalisation d’analyses complémentaires, les résultats restaient en faveur d’une augmentation du risque de troubles du neurodéveloppement chez les enfants dont le père avait été traité par valproate dans les mois précédents la conception. Toutefois, dans sa réévaluation de ces données début 2024, l’EMA a indiqué que le niveau de preuve de ces résultats était faible en raison des limites de l’étude (notamment des différences entre les groupes traités concernant l’indication du traitement et la durée de suivi des enfants) et des incertitudes concernant notamment le mécanisme biologique. Aussi, l’EMA a considéré qu’il n’était pas possible à ce jour d’établir si l’augmentation des troubles neurodéveloppementaux suggérée par l’étude était due au valproate, et a conclu à un risque potentiel, à mentionner dans les RCP et les notices des médicaments contenant du valproate pour l’information des patients et des professionnels de santé. Enfin, des analyses supplémentaires ont été demandées par l’EMA, qui encourage le titulaire de l’AMM à publier ces résultats dans une revue à comité de lecture (revue médicale internationale de haut degré d’exigence scientifique).
Par ailleurs, la littérature scientifique sur ce sujet fait état de deux études publiées dans des revues à comité de lecture et qui ne sont pas en faveur d’une augmentation du risque de troubles du neurodéveloppement chez l’enfant de père ayant pris du valproate avant la conception. L’une porte sur plus de 2000 enfants de pères épileptiques traités, dont un peu plus de 500 par valproate en monothérapie. Aucune augmentation de troubles du spectre de l’autisme, de troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité, ni de déficits intellectuels n’a été observée chez ces enfants comparés à ceux de pères épileptiques non traités (Tomson, 2020). La deuxième, publiée depuis l’alerte de l’ANSM, porte sur près de 1400 enfants dont les pères étaient traités par valproate au cours des 3 mois avant et/ou au moment de la conception. Il n’apparaît pas de risque augmenté de troubles du neurodéveloppement (ni globalement, ni pour les troubles du spectre de l’autisme) chez les enfants de ces patients en comparaison avec ceux d’hommes non exposés au valproate ou exposés à la lamotrigine. Diverses analyses de sensibilité confirment la stabilité de ces résultats (Christensen 2024).
D’autres experts internationaux en vigilance pré et postnatale, membres du réseau ENTIS (European Network of Teratology Information Services) dont le CRAT est membre fondateur et OTIS (Organization of Teratology Information Specialists) considèrent cette alerte prématurée au regard des données scientifiques disponibles à date (Garey 2024) : à ce jour le risque de troubles du neurodéveloppement chez l’enfant de père traité par valproate dans les 3 mois avant la conception n’est pas établi.
Au total, à la lumière des données disponibles, le CRAT considère qu’il n’est à ce jour pas justifié de changer, ni a fortiori d’arrêter, un traitement par valproate /acide valproïque chez un homme qui souhaite concevoir.
Vous pourrez retrouver sur notre site internet les informations sur ce médicament chez un futur père : «Acide valproïque – exposition paternelle».
Mis en ligne le 27.09.2024
Actualisation de la page « Acide valproïque/valproate chez le père : qu’en pense le CRAT ? » du 05.10.2023